Les retours des enfants de l’exil chilien.

Les retours des enfants de l’exil chilien
L’empreinte du politique dans les parcours d’insertion1
C’est sous un angle générationnel que la question des retours2 sera ici abordée : les
retours d’enfants d’exilés politiques chiliens3. C’est‐à‐dire de jeunes gens qui ne sont bien
souvent pas nés, à moins qu’ils n’y aient que très peu vécu, dans le pays d’origine de leurs
parents4. Le terme de retour est donc sémantiquement incorrect pour qualifier leur
migration. Pourtant, ces jeunes sont communément appelés retornados5 que ce soit à
l’intérieur de la « communauté » exilée ou de la société chilienne comme dans leur propre
discours : « Moi, je ne retournerai jamais au Chili sans mon père », dit en cours d’entretien Diego
(22 ans, graphiste, né en France et qui n’a jamais été au Chili). La littérature scientifique, pour
le moins francophone et hispanophone, portant sur le retour reprend également cette
terminologie sans l’interroger. Et il en va de même dans la manière d’appréhender la
(ré)insertion de ces jeunes gens dans la société chilienne, elle semblerait aller de soi et ne pas
devoir poser problème « puisqu’ils sont chiliens » ! Les réalités sont évidemment toutes autres.
Mais dans les mentalités, aller au Chili, ce serait donc y retourner même si on n’y a jamais
vécu. C’est ainsi la filiation qui serait prédéterminante dans l’attribution de l’appartenance à
un ensemble national. Ce qui est somme toute assez répandu dans les représentations
communes sur ceux que l’on nomme les « secondes générations », et qui sont constamment
renvoyés à la « culture » du pays « d’origine », c’est‐à‐dire celui de leurs parents.
Il y aurait‐il eu transmission d’une identité nationale, d’une identité culturelle, et peutêtre
dans le contexte chilien d’une identité politique ? C’est aux modalités et contenus de ces
transmissions que je m’intéresserai dans un premier temps de cette communication. Il
semble en outre impensable d’aborder une problématique identitaire sans rappeler combien
les identités ne sont pas des données naturels, mais qu’elles sont au contraire des construits,
élaborés et constamment réélaborés dans des rapports sociaux, engageant ceux qui nomment
(et qui ont le pouvoir de nommer et d’imposer ces noms), et ceux qui sont nommés et/ou se
nomment parfois eux‐mêmes. La question des attributions identitaires, ici celle de retornado
tout particulièrement, et l’influence de celles‐ci dans les relations qu’ont ces jeunes migrants
avec le Chili (en tant que représentation mêlant la terre, la patrie et son histoire nationale, le
peuple chilien et « sa culture ») constitueront un autre temps de l’analyse. Je privilégierai ici
l’angle du politique6, car c’est bien là la spécificité de la migration chilienne d’alors. Aux
1 Fanny Jedlicki, doctorante à l’université Paris 7, URMIS.
2 C’est à la diversité des situations que l’on est confronté quand on étudie la question du retour des migrants en
général. Ainsi dans le cas chilien, ce sont les appartenances socio-économiques, générationnelles, politiques, les
périodes de départ et de retour ainsi que les pays d’exils de chacun qui font varier les situations.
3 Suite au coup d’état du 11 septembre 1973 dirigé par Augusto Pinochet et la répression violente menée contre
les militants et sympathisants de l’Unité Populaire, 250 à 500 000 Chiliens prennent les routes de l’exil.
4 Il y a bien sûr des enfants plus âgés qui ont quitté le Chili avec leurs parents, mais l’exil aurait plus
massivement touché une population jeune, n’ayant souvent pas encore constitué de famille.
5 Littéralement : « retournés ». Je conserverai ce substantif espagnol employé pour qualifier les Chiliens revenus
vivre au pays
6 Je n’exploiterai pas toute la richesse du matériel récolté durant mon travail de terrain, réalisé pour ma thèse de
sociologie. Cette dernière porte sur les retours des enfants de réfugiés chiliens, et une partie de son terrain
consiste en une soixantaine d’entretiens approfondis auprès de jeunes retornados, âgés de 20 à 40 ans, issus
essentiellement de la classe moyenne, venus d’Amérique Latine et Centrale, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique



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